YANG Yi

Depuis que Yang Yi est en résidence chez Tante Martine - Yishu 8, les habitudes ont changé.
Nos yeux engourdis par la lumière artificielle des écrans, se plongent désormais dans la lumière de ses œuvres : elles sont l’ornement de nos vies sérieuses. L’artiste rend visible ce qui nous échappe depuis cet appartement. Nous n’avions ainsi jamais remarqué qu’en ce début de printemps, aux alentours de 10h, un rayon de soleil venait tracer une ligne au centre exacte de la pièce. Ses tableaux sont les reflets d’un extérieur que l’on ne sait plus voir, d’une beauté qui, trop évidente, nous fait perdre en émerveillement. Car Yang Yi peint le visible, celui que nous effleurons sans savoir le saisir. Elle traite le temps comme un paysage, et la lumière comme un personnage. La lumière frôle le fond, le temps, sur son passage, est intercepté et tandis que nous regardons le tableau, tous deux ont déjà poursuivi leur route.  En entrant dans la pièce attenante à la chambre, nous découvrons deux fragments au sol, surélevés sur une plaque anthracite et qui répondent à une troisième pièce au mur. Ses morceaux de fresques sont semblables à notre perception de la lumière : leurs bords sont irréguliers, leurs surfaces ne sont pas planes et la diffusion de la couleur sur cette matière poreuse est aléatoire. Yang Yi a fait le choix de les disposer de manière fragmentée et éparse comme autant de lieux où la lumière pénétrant par la fenêtre pourrait se déposer.
L’artiste ose figer le soleil sur la toile, comme un portrait officiel. Son geste souligne naturellement toutes les subtilités de ses apparitions, sans avoir la prétention de lui en donner des contours rigides. Sa présence reste diffuse comme la lumière qui en émane. Elle nous offre la matérialité d’un phénomène insaisissable ; une confrontation au soleil sans risquer de nous brûler les yeux, le risque étant juste de s’y perdre en songe. Cet espace prélevé est un ailleurs vers lequel l’esprit et l’œil sont appelés. 

———— Ambrine Lazreug Didier